plaid et canapé

Sensorialité”, “sensoriel”, ces termes reviennent en boucle dans l’univers et le lexique d’Oscar-Home, comme un crédo, un cheminement autant qu’une destination. Et un mystère. Si le Larousse définit prosaïquement la sensorialité comme la “caractéristique d’un être vivant pourvu d’un système sensoriel”, pour Le Petit Robert, tout aussi succinct, le sensoriel désigne ce qui “concerne les sensations, les organes des sens”.

Rien de palpitant ni de sublime, encore moins de commun avec la subtilité des cocons intimes initiés par un Olivier Delagrée à la sensibilité exacerbée. Pour lui comme pour son équipe, la sensorialité est une valeur cardinale, une source d’inspiration, un ingrédient primordial d’une alchimie qu’il est le seul à pouvoir expliciter. La poésie est donc ailleurs ?

bougies d'ambiance Un soir à l'opéra

Sensorialité, sensoriel : les définitions fournies par les dictionnaires sont d’une rare platitude. Et vous, comment définissez-vous la sensorialité ?

Sensoriel, sensorialité, sensitif, ce sont de jolis mots, n’est-ce pas ? Si les définitions de nos encyclopédies manquent de charme, elles ont l’avantage de mettre en avant le caractère biologique, physiologique du sensoriel, comme un système complexe reliant les organes des sens, le système nerveux et cette magnifique énigme qu’est notre cerveau. On parle ici d’un réseau d’une rare subtilité, qui s’enracine dans l’aube des temps tout en nous rattachant à l’instant présent. Un réseau qui, via le médium du corps, capte le monde par le regard, l’audition, le toucher, les parfums, les saveurs, séparément ou en les croisant. C’est la source de nos émotions, de nos souvenirs, de nos attentes. C’est cela, le sensoriel : le point de départ de nos plaisirs, de notre mémoire, de nos états d’âme. Avec ses correspondances, Baudelaire en parle bien mieux que moi.

Quand on vous écoute, on comprend que la sensorialité occupe une place centrale dans l’univers Oscar-Home. Pourquoi est-ce si important à vos yeux ?

La sensorialité, c’est en fait le sujet central, le cœur de l’alchimie Oscar-Home, l’alpha et l’omega, le point de départ et d’arrivée. Notre but est de créer des intérieurs sur-mesure, où on se sent bien, où le sensoriel est donc protégé, au calme, au repos, loin des brutalités du quotidien. Or cette perception du bien-être évolue d’un individu à l’autre, en fonction de sa sensorialité initiale. Pour parvenir à générer l’atmosphère adéquate, il faut comprendre ce qui fait plaisir à celui qui va y vivre, mais aussi ce qui l’agresse.

Il s’agit de saisir ces sensations éparses, d’en extraire les petites touches de joie, des perceptions agréables au fil des journées. Il faut cerner ces sources de plaisir et les fusionner en un tout. Nos intérieurs sont pensés pour interpeler, stimuler, reposer, ressourcer cette sensorialité, de la manière la plus juste, la plus agréable possible. C’est alors que s’opère l’osmose de la personne avec l’endroit où elle vit ; notre mission suppose de déployer ce pouvoir d’épanouissement lié à la plénitude des sens.

revêtements muraux en tissu

Comment vous y prenez-vous ? Quelle est votre recette ?

Il faut comprendre ce qui anime l’interlocuteur, pour ensuite réunir dans son intérieur tout ce qui va lui procurer ces sensations de bien-être. Il faut donc cerner ses codes et ses préférences, ses madeleines de Proust, afin de créer une bulle sensorielle adaptée.

Cela passe bien sûr par les accords entre nuances et matières, le travail des lumières, les jeux de reflets. La sensorialité peut également se sublimer par le biais des étoffes, le moelleux d’un tapis, la sensation tactile du béton ou du marbre. Il faut aussi tenir compte du parfum de certains matériaux, certaines essences de bois par exemple, des métaux, la laine d’un plaid. On va rechercher les effets synesthésiques, tout ce qui permet de conjuguer et harmoniser plusieurs sensations.

Le cuir d’un canapé par exemple parle aux yeux par sa couleur, au toucher par sa texture ; quand on s’assoie dedans, il émet un son caractéristique, il a aussi son odeur propre. Une bûche qui se consume dans une cheminée, c’est à la fois de la chaleur, de la couleur, du son, une odeur spécifique. L’enjeu et le plaisir, c’est de créer une atmosphère qui touche différemment, mais avec la même intensité positive, la sensorialité de plusieurs personnes, un couple, une famille, en totale harmonie, en respectant l’individualité de chacun.

Quand on vous entend parler de sensorialité, cela semble fluide, très naturel, évident. Mais est-ce si aisé à générer ? Il y a forcément des problèmes, des obstacles ? De quelle nature ?

Je parlerais plus de petites frustrations. Obtenir l’accord parfait, c’est à la fois complexe et délicat. Parce que les gammes de couleurs, de senteurs, de matériaux qui s’offrent à nous sont par définition limitées. Certaines nuances sont indisponibles, les collections sont dictées par les tendances à la mode, aussi il est difficile de trouver la tonalité exacte qui plaira au client. C’est encore plus complexe quand il s’agit de parfum d’ambiance ; l’olfaction ne se résume pas à laisser se consumer d’une bougie d’intérieur. Nous travaillons actuellement avec quatre grands éditeurs de parfums d’ambiance qui proposent des alliages aussi subtils que variés, cependant il y a encore des essences que je ne maîtrise pas.

dressing et effet de lumière

Y a-t-il d’autres obstacles qui vous freinent dans votre créativité ?

Oui : le temps. Il me faut des heures pour trouver la nuance exacte d’un tapis, ensuite je m’interroge sur sa texture, le type de fibre, ses dimensions. C’est un travail de longue haleine. La création sur-mesure d’un revêtement mural, d’un meuble, d’un luminaire demande du temps. En fait, j’aimerais pouvoir m’affranchir de ces impératifs pour tout créer et contrôler moi-même de A à Z ! Le problème est que je ne dispose ni d’un orgue à parfum d’un côté, ni d’un métier à tisser de l’autre, encore moins du loisir et du savoir-faire pour m’en servir, je dois donc travailler avec des artisans d’art, et cela prend du temps (rires).

L’aménagement d’un intérieur joue initialement sur le regard, le toucher, l’audition. Au début de notre échange, vous avez aussi évoqué l’odorat, e parfum du cuir, d’une bûche qui brûle dans une cheminée. Cela signifie donc que vous intégrez aussi les autres sens dans votre travail ? De quelle manière ?

Pouvoir fusionner les cinq sens est une chance, une opportunité rare, mais c’est à ce moment qu’on profite pleinement de l’aspect gourmand des belles et bonnes choses de la vie. Quand nous terminons un chantier, nous tenons à interpeler toute la palette sensorielle pour créer un sentiment d’appartenance immédiat. L’objectif est clair : à la remise des clés, quand il ouvre la porte de son nouvel espace de vie, notre client doit immédiatement s’y sentir chez lui, donc s’y reconnaître, y compris par l’odorat et le goût. Cela passe par des bougies d’intérieur allumées un peu partout, des macarons placés sur la table du salon avec une bouteille de champagne, un jambon Serrano sur le comptoir de la cuisine avec une excellente bouteille de vin. C’est cela, l’aspect gourmand que nous cherchons à créer, c’est une partie intégrante et non négociable du packaging Oscar-Home (rires).

marbre et sensorialité

Un intérieur Oscar-Home parle à l’ensemble des sens. Comment faites-vous pour sensibiliser vos clients à ce concept ?

Nos boutiques jouent un rôle essentiel dans cette exploration. Il y a l’accueil bien évidemment, toujours chaleureux, le dialogue, l’échange. Il y a les vitrines qui constituent un premier contact, l’agencement des lieux, les alvéoles d’ambiance que nous créons, les effets de couleurs, de lumière, les jeux de reflet, les matières… Nous travaillons la présence olfactive avec beaucoup d’attention, le choix des parfums diffusés est très important pour moi, nous les choisissons avec soin. Et puis il y a la musique ; si j’aime créer en musique, j’aime aussi la partager. Je conçois une nouvelle playlist tous les deux mois environ, avec des morceaux connus, des mélodies plus rares, des rythmiques et des sonorités variées, toujours douces, entraînantes sans être agaçantes, avec un niveau sonore étudié pour ne pas agresser l’oreille. Pour ce qui est de la saveur, nous travaillons régulièrement à l’intégrer dans cette magie, en multipliant les partenariats, avec par exemple les champagnes Billecart-Salmon. Nous avons également mis en avant une gamme d’infusions destinées aux messieurs. Un corner gastronomique ? Pourquoi pas ? Un jour peut-être !

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Merci à Olivier Delagrée pour son temps et ses explications.