A l’heure de la transformation digitale des entreprises, les sites de vente en ligne se multiplient, la fluidification de l’usage, l’automatisation des actions deviennent la règle. Quel avenir pour les boutiques en réel ? Sombre, semble-t-il.
Avec l’avènement du e-commerce, les points de vente sont-ils condamnés à l’abandon ou à une robotisation intégrale ? Chez Oscar-Home, on refuse cette fatalité avec vigueur et conviction parce qu’on croit encore en l’humain : plus qu’un rouage dans une stratégie marketing, la boutique en réel propose une expérience humaine de qualité que jamais un site de vente en ligne ne fournira. Et cette expérience sur-mesure constituera bientôt un véritable luxe en soi, comme nous l’explique Laure Delagrée.
Au second semestre 2021, on a dénombré 27 000 nouveaux sites de e-commerce, soit une hausse de 16 %, selon les chiffres du Blog du modérateur. Cette augmentation s’accompagne d’une véritable métamorphose des comportements d’achat, les clients se tournant de plus en plus vers la vente en ligne. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ? Est-ce la fin programmée de la vente en boutique ?
L’expérience vécue dans une vraie boutique, le contact humain, l’échange, n’auront jamais rien de commun avec un achat sur un site de vente en ligne. Chez Oscar-Home, nous voulons nous positionner à contre-courant. Nous possédons deux show-rooms, à Rennes et à Nantes, et nous y tenons beaucoup, car ces espaces sont représentatifs de notre univers ; l’accueil client reflète l’expertise Oscar-Home, sa philosophie, ses valeurs, son exigence. Selon nous, la boutique physique constitue désormais un luxe ; les services qu’on y propose doivent se décliner selon les codes du haut de gamme, au même titre que dans un palace ou un restaurant gastronomique.
Les boutiques en physique ont donc un avenir ? Ce point de vue est étonnant, dans la mesure où, depuis des années, les petits commerces disparaissent du centre des villes, y compris à Paris, la capitale.
C’est effectivement une problématique dans l’air du temps. D’un côté, on veut reverdir la cité, réduire l’usage des voitures, privilégier les transports alternatifs comme le vélo, multiplier les espaces verts, les lieux de vie et d’échange ; de l’autre, les cœurs de ville continuent de se vider, les commerces de proximité disparaissent par manque de clientèle, parce que les frais de fonctionnement sont trop lourds. Les boutiques qui survivent peinent à concurrencer la prolifération des grosses plateformes de vente en ligne. Il faut se réinventer, proposer des produits rares, des prestations innovantes, un accueil personnalisé. C’est ce qui attire désormais les clients dans les points de vente en physique : la promesse d’une expérience différente, exclusive. A l’heure où tout le parcours client est automatisé, le contact humain devient précieux en soi, un signe de prestation haut de gamme.
Pourtant Oscar-Home n’est pas réfractaire à l’usage du digital ? La marque possède un site, une boutique en ligne, des pages sur les réseaux sociaux…
Le digital propose des outils d’une rare efficacité, dont nous apprécions la qualité et les opportunités au quotidien. Outre un usage purement administratif ou logistique comme la gestion des stocks, nous utilisons des logiciels de pointe pour la création de projets d’aménagement en 3D.
Quant à notre site vitrine et notre e-shop, nous les alimentons avec beaucoup d’attention et de rigueur, les optimisons régulièrement pour en faciliter l’usage, en améliorer l’esthétique. Nous développons un véritable travail éditorial sur notre blog, « Carnets d’inspirations », un outil essentiel dans notre démarche d’information sur l’univers du design en général, sur notre conception de l’aménagement intérieur, nos valeurs, notre éthique, notre manière de travailler. Les réseaux sociaux servent de chambre d’écho à ces messages.
Cela relève d’une véritable stratégie : quel en est l’objectif ?
Effectivement, nous ne négligeons pas cet aspect, au contraire. Le but de notre stratégie digitale est bien sûr d’interpeller les internautes de passage, de leur faire découvrir notre univers. Il y a aussi une volonté fédératrice : nos clients visitent régulièrement site et réseaux sociaux pour finaliser une commande, se tenir informés de nos nouveautés… ou juste apprécier un moment de lecture agréable. C’est pour cette raison que nous prenons un grand soin dans l’écriture des articles, dans le choix des visuels. Et nous sommes assez satisfaits du résultat, puisque nombre de nos clients nous avouent consulter chaque nouvelle newsletter avec autant de curiosité que de plaisir.
Le digital a donc une portée non négligeable dans l’évolution des points de vente ?
C’est évident, le commerce traditionnel doit évoluer, l’expérience boutique doit s’enrichir des nouvelles technologies. Mais ces dernières ne doivent pas prendre toute la place, tout vampiriser, au risque de sombrer dans un effet gadget regrettable, qui étoufferait la véracité, l’authenticité des rapports humains. Le digital est un outil précieux certes, mais cela doit rester un outil. Une intelligence artificielle n’est rien sans ceux qui l’élaborent ; elle ne remplacera jamais la complexité d’un ressenti en temps réel, la force d’une émotion vive. C’est d’autant plus vrai durant les fêtes de fin d’année.
En quoi ?
Noël est un temps fort du calendrier Oscar-Home depuis la création de la griffe il y a dix ans, et pas seulement en terme de chiffre d’affaires. C’est un moment important pour nous car il incarne nos valeurs de partage, notre conception du vivre ensemble. Nous prenons un plaisir profond et sincère à accueillir de nouveaux visiteurs dans notre univers, à passer du temps avec eux, à les voir s’imprégner de cette atmosphère, réagir, commenter, s’étonner aussi. Nous ne savons rien de la personne qui passe le pas de notre porte : quel est son état d’esprit ? Son désir ? Nous sommes là pour écouter et aider. Nos visiteurs apprécient ce temps que nous leur offrons, cette attention, ce conseil. Cela, jamais un site pure player qui pille notre catalogue n’y parviendra, encore moins un algorithme, parce qu’un cerveau ne fait pas que rassembler et compiler des données, il éprouve des émotions. Or, le credo d’Oscar-Home est de façonner des intérieurs qui déclenchent des émotions, des émotions positives, des émotions qui rassurent, qui ressourcent. Et cela, seul l’humain peut le faire.
L’humain comme fer de lance de l’expérience boutique griffée Oscar-Home : concrètement, comment cela se traduit-il ?
Comme je le disais précédemment, cela passe par l’échange, le dialogue entre deux êtres humains qui trouvent des solutions ensemble : pour décorer un intérieur, pour trouver un cadeau vraiment adapté, pour respecter un budget prédéfini, pour faire livrer un achat, pour élaborer un paquet cadeau personnalisé. Chez Oscar-Home, il n’y a pas de problème, que des solutions, et cela passe par l’accueil, l’écoute et le conseil. On peut par exemple changer la perception d’une problématique, proposer des alternatives, réchauffer un canapé de cuir noir en y apposant des coussins orange ou un plaid de fourrure de même couleur. C’est l’essence même de notre expertise que d’offrir plusieurs perspectives. Et également de dire non. Nous ne sommes pas là pour vendre à tout prix ; le luxe, c’est aussi refuser de fournir un produit dont on sait qu’il n’ira pas dans l’intérieur de l’interlocuteur, ou qu’il ne correspond pas à nos valeurs.
D’autres enseignes jouent la carte du conseil sur-mesure ; quelle est la spécificité d’Oscar-Home à ce sujet ?
Ce que nous voulons, c’est créer du bien-être, rassurer ; quand quelqu’un pénètre dans une de nos boutiques avec la tête à l’envers, nous oeuvrons afin qu’il ressorte avec le sourire, le souvenir d’un moment sympathique, bienveillant, une parenthèse enchantée. Et c’est là que la magie des boutiques opère : la sensorialité est centrale dans l’univers d’Oscar-Home, et c’est grâce aux boutiques qu’on en découvre la particularité, dans un effet d’immersion que jamais un site web ne pourrait fournir. Le souvenir de cette visite s’inscrit comme un sentiment inoubliable de lâcher-prise. C’est à partir de cet instant que se tisse un lien, une fidélisation. Nos visiteurs reviennent régulièrement, nous connaissons leur nom, leurs habitudes, leurs goûts : c’est toujours agréable d’être salué par son nom, comme si on faisait partie d’une famille. C’est encore plus agréable de constater qu’on a mémorisé vos préférences, vos achats précédents pour éviter les doublons, compléter un ensemble. C’est ainsi que nous construisons des relations très fortes avec nos clients, des relations à long terme.
Mais cela prend beaucoup de temps ? Or le temps est rare dans un monde qui veut toujours aller plus vite.
Mon grand-père avait pour habitude de dire : «Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui ». C’est une réflexion que j’aime beaucoup, que je trouve très juste… et qui prend tout son sens aujourd’hui, où on veut tout régler en un clic, tout obtenir en une journée, acheter vite, être livré vite, sans échange, sans dialogue. Tout est fait pour fluidifier le parcours client, éradiquer toutes les frictions, encourager l’achat à tout prix, éviter les abandons de panier… Plus d’attente, plus de frustrations, mais aussi plus de prise de recul, plus de communication, plus de partage. Chez Oscar-Home, nous refusons cette gadgetisation. Nous nous définissons comme des diffuseurs de bien-être ; cela ne dépend pas seulement de la qualité et de l’originalité de nos produits et de nos prestations, cela implique un temps de réflexion sur la manière d’en user. Prendre le temps pour être dans le vrai : c’est peut-être ce qui résume le mieux notre philosophie et notre définition du luxe.
En quoi cette philosophie oriente-t-elle l’accueil en boutique ?
Eh bien, nous prenons le temps de présenter nos produits, d’expliquer d’où ils viennent, leurs particularités, leur parcours de fabrication : c’est à la fois un instant de partage, un moyen de transmettre notre passion et une volonté pédagogique. C’est aussi une expérimentation à l’œuvre. En prenant le temps de conseiller nos visiteurs, en les imprégnant des différentes options, nous les invitons à prendre du recul sur ce qu’ils veulent acquérir, à penser leur choix en fonction d’un usage futur, de l’effet obtenu sur celui qui recevra ce cadeau. Il s’agit de ralentir le réflexe d’achat presque compulsif, le réflexe d’acheter un cadeau parce qu’il faut offrir cadeau. Au contraire, nous voulons ancrer une véritable conscience, un parcours de réflexion qui engendre un achat responsable. Là aussi, réside l’essence du luxe, sa sagesse et son avenir. Et il n’y a que dans le cadre d’une boutique que cela peut se vivre.
– – – – – – –
Merci à Laure Delagrée pour son temps et ses réponses.