Olivier Delagrée Selon Jack London, “on ne peut pas attendre que l’inspiration vienne. Il faut courir après avec une massue”. Chez Oscar-Home, on préfère une méthode plus pacifique mais tout aussi féconde. Co-fondateur de la griffe de luxe avec son épouse Laure,  Olivier Delagrée se définit volontiers comme un contemplatif qui observe ce qui l’entoure … Mais encore ? Où ce grand sensible, amateur d’accords parfaits et d’objets rares, va-t-il chercher ses sources d’inspiration ? 

Quelles influences l’animent, guident sa créativité ? Comment les utilise-t-il pour imaginer ces intérieurs dont lui seul a le secret ? A ces questions, le décorateur apporte des réponses aussi inattendues que poétiques. On y trouve des éléments clés pour comprendre la singularité visionnaire de sa démarche, l’essence même, la valeur unique de la signature créative d’Oscar-Home. 

Parmi les grands designers, avez-vous des références favorites ?

J’aime beaucoup Jacques Garcia, un très grand décorateur français et un esthète qui parle très bien de son art ; il est capable d’associer la richesse du passé avec des créations contemporaines, en créant des accords très nuancés. J’apprécie également le travail du designer Ora-ïto, un adepte de la rondeur : son univers est tout le contraire d’un rectangle, ovoïde, bionique, doux. J’adore ces formes. Et puis il y a Philippe Starck, son jeu permanent sur les contradictions … et son sens du business (rires).

Donc trois repères prestigieux dans le design hexagonal. Mais vous … pouvez-vous nous expliquer d’où vient votre inspiration ? 

Pas du tout. C’est toute la complexité de ma méthodologie. Il y a des choses que je ne peux rationaliser, c’est un peu un don. Mon inspiration, je la tiens de quelque chose que j’ai en moi … et de ce qui m’entoure. En fait, tout est source d’inspiration ! Les émotions des personnes que je rencontre, que je côtoie, un emballage bien travaillé, les nuages que forme la chaleur au fond de la piscine pendant que je vous parle … en fait j’en collecte en permanence.

Qu’est-ce qui va déclencher votre intérêt, votre curiosité ? 

Comment  l’expliquer ? Je suis un contemplatif par nature, je peux rester deux heures devant un paysage et y trouver des choses à observer, étudier. Tout fait sens. Par exemple, je suis assis à la terrasse d’un café, je vais regarder ce qui m’entoure, la table, les parasols, la vaisselle … je vais m’arrêter sur le dos d’une chaise pour en observer la forme, la couleur d’une serviette que je trouve intéressante … 

Et ensuite ? Que se passe-t-il ? 

Je me perds dans tous ces détails, je les absorbe puis je les range dans ma tête comme dans une bibliothèque, en les associant avec des lieux, des personnes. C’est ma stratégie de mémorisation. Tous ces souvenirs, toutes ces idées sont en fait des perles que je garde en tête et que j’utilise pour les assembler quand je dois agencer un nouveau projet, ou régler un problème esthétique, trouver une astuce, une originalité, une harmonie …   

Les magazines de décoration, les médias spécialisés dans le lifestyle : vous aident-ils dans votre recherche d’idées ?

Je ne regarde jamais les magazines de décoration, ça me pollue plus qu’autre chose, je ne trouve plus de sens à ma démarche. Je préfère de beaucoup observer la nature. Je viens de faire les chemins de Cézanne en Provence, j’ai pris le temps de m’arrêter, de regarder, respirer …  Les vues qui ont inspiré le peintre proposent une palette de gris magnifique. Les paysages de France sont d’une richesse incroyable. Nous avons vraiment beaucoup de chance à ce titre.

Vous ne suivez pas les tendances donc ?

Ma mission consiste à réinventer un sujet, en l’occurrence la maison, l’espace intime, en fonction de ceux qui vont y habiter.  Verser dans la mode et les tendances, je m’en fiche complètement. Je ne veux pas être un “follower”. Quand je mets en place le look de fin d’année de nos boutiques de Rennes et Nantes, je verse à l’opposé des cahiers de tendances. Je préfère vraiment être en résonance avec la personnalité des gens qui me consultent, absorber leurs émotions comme un buvard pour inventer un intérieur à leur image. Et cela échappe forcément à l’idée même de mode. 

Comment réussir à trouver des sources d’inspiration inédites et pérennes dans un univers saturé d’informations ? 

On touche là à l’origine même de ce qu’on qualifie comme une inspiration. Imaginons un olivier enraciné entre deux murs, dont l’ombre dessine des formes différentes suivant les heures du jour … ou la Cour carrée du Louvre, notre patrimoine, une partie intrinsèque de l’Histoire : dans les deux cas, nous échappons à la saisonnalité, à l’éphémère. L’inspiration intemporelle, qui constitue une valeur pérenne, se trouve sous nos yeux, mais nous ne la voyons pas forcément. A nous de la faire naître en la reconnaissant.

Quand êtes-vous le plus inspiré ?

Le soir, la nuit ; j’apprécie le calme, la douceur de ce moment. Je ne suis pas dérangé, je peux travailler à mon rythme.

La musique vous inspire-t-elle ?

Je travaille beaucoup en musique ; j’aime la musique classique, le jazz, la techno, la pop … J’aime aussi lire des textes de rappeurs, j’aime moins les écouter. Je me laisse porter par la mélodie, je suis dans ma bulle et c’est parti. L’harmonie vient rythmer ma séance de travail. 

Et Laure dans tout ça ?

C’est une inspiration à part entière ! Tout d’abord, nous sommes très complémentaires, elle fait très bien ce que je fais moins bien ! Cela me laisse du temps pour chercher des sources d’inspiration et créer. Et puis Laure donne du sens. C’est la seule qui me dit toujours quand ça ne va pas. Elle apporte un autre point de vue sur la réalisation, ce qui est essentiel. Enfin, comme moi, elle est toujours en quête, cherche des nouveaux créateurs, des luminaires, des tissus, de nouvelles associations de matières. Ses recherches et sélections préalables dans les références sont très précieuses pour moi.

Vos coups de cœur récents ?

(Rires) Je ne sais pas … en fait je suis dans le coup de cœur permanent. 

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Merci à Olivier Delagrée pour son temps et ses réponses.